Étrange que ce début de voyage… Je suis contente d’être ici, mais je ne ressens pas l’excitation que me procurait l’arrivée dans l’ouest américain lors de nos autres voyages. Serais-je blasée ? Déjà ??? Et surtout, comment serait-ce possible ?
Ces petits riens qui font le quotidien sont rodés : prise en main de la voiture automatique, conduite locale, courses et autres réflexes qui facilitent les premiers jours ici n’ont plus vraiment de secret pour nous. Pas de nouveauté, pas de questionnement. Cela n’enlève rien au plaisir d’être ici, mais… mais quoi ? Je ne saurais dire. Je culpabilise, évidemment : moi qui, dans mes rêves les plus fous, imagine une maison secondaire en plein Utah (ce n’est même plus de l’ordre du rêve, à ce rythme-là), moi qui ai la chance de fouler l’ouest américain pour la quatrième fois, je « n’y suis pas ».
La fatigue y est sans doute pour quelque chose. Après une nuit blanche selon l’heure française suivie d’une nuit de 2 heures selon l’heure américaine, le manque de sommeil se fait lourdement sentir.
C’est donc dans un état d’esprit mitigé que l’on prend la route en direction de Kingman. Cette journée n’a pas d’autre objectif que de nous faire avancer sur la route, route qui, il faut bien l’avouer, n’est pas très intéressante, et que l’on a déjà parcourue à plusieurs reprises.
On traverse donc ce désert qui, on le sait, ne casse pas trois pattes à un canard comparé à ce qui nous attend pas la suite. Un sol sec, beige, clairsemé de broussailles tout aussi sèches, un ciel bleu uniforme – Californie oblige, et cette route qui longe de plus ou moins près la mythique route 66 : une deux fois deux voies en ligne quasi droite, infinie, monotone, presque ennuyeuse. Les voitures et les camions s’agglutinent pour former une file continue interminable… quoi que moins que les trains qui s’allongent à perte de vue.
Poussière et chaleur s’unissent pour estomper l’horizon. Ci et là, des cabanes et des maisonnettes abandonnées, en ruine, meublent ce passage inhospitalier. Il arrive qu’elles côtoient des bâtisses plus récentes et plus « vivantes » mais guère plus attrayantes. Le relief parfois lunaire anime notre avancée…
Et puis, d’un coup, la magie opère. Comme j’aime être ici ! Les raisons en sont nombreuses, je me refuse à les énumérer de peur de ternir cette sensation de légère sidération face à l’immensité de la nature brute. Si, à l’aube de notre quatrième voyage dans l’ouest, la sensation d’ailleurs n’est plus là, l’envoûtement, lui, persiste !
Faussement perdus dans l’immensité, je sens que le déclic a de nouveau eu lieu, et qu’il est partagé par tous.
Après une halte pique-nique en bord de route dans un endroit type « station service glauque » mais qui, comme souvent ici, n’a paradoxalement rien de désagréable, on reprend la route de bonne humeur et pressés de découvrir ce que notre périple nous réserve.
A l’image de Maxi Gnomette qui exécutait le même rituel lors de son premier voyage dans la région avant chaque départ en voiture, Mini Gnomette lance joyeusement : « Papa, t’es attaché ? »
Lutin : « Oui ! »
Mini Gnomette : « Maman, t’es attachée ? »
Moi : « Oui ! »
Mini Gnomette : « Maxi Gnomette, t’es attachée ? »
Maxi Gnomette : « Oui ! »
Mini Gnomette : « Mini Gnomette, t’es attachée ? oui ! »
Moi : « Alors c’est parti ! »
La route n’a rien d’exceptionnel, nous atteignons rapidement Kingman où l’on peut admirer une ancienne locomotive aux dimensions impressionnantes avant de tomber de fatigue.